L'expression "christianisme de philosophes" est souvent employée par Brunschvicg, qui découvre un tel christianisme, "épuré des mythes christologiques", dans le spinozisme.
J'aurais plutôt tendance quant à moi à le chercher dans le malebranchisme, ainsi d'ailleurs que dans la méditation de l'oeuvre de Brunschvicg, que l'on ne saurait appeler par un mot en "isme" !
mais au fond, parler d'un christianisme de philosophes, tout en récusant la notion de "philosophie chrétienne" (comme Brunschvicg le fait dans un débat avec Gilson), n'est ce pas évoquer un "christianisme chrétien" ?
puisque la philosophie occidentale, comme le christianisme, ne sont rien d'autre que le développement du prodigieux premier verset de l'Evangile de Jean :
http://ba.21.free.fr/ntgf/jean/jean_1_gf.html
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος.
Cette conception place la philosophie au coeur de la morale comme au coeur de la science, au centre de l'humanité....nous croyons avoir montré que la tradition autorise à lui donner le nom d'idéalisme; mais nous voudrions aller plus loin, et dire que c'est dans cette conception même que l'idéalisme conquiert sa propre vérité.
Tout idéalisme est incomplet et impuissant qui conçoit l'idéal en l'opposant à la réalité;l'idéal, c'est alors ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne pouvons pas être, le chimérique ou l'inaccessible.
Et ainsi se constitue le faux idéalisme, celui qui célèbre doctement la banqueroute de la science humaine, afin de fonder la vérité divine sur l'absurdité de la croyance, ou qui s'associe joyeusement sur terre à l'oeuvre d'iniquité, afin de mieux réserver la justice au Ciel..
mais si l'idéal est la vérité, il est la vie même de l'esprit. L'idéal, c'est d'être géomètre, et de fournir d'une proposition une démonstration rigoureuse qui enlève tout soupçon d' erreur; l'idéal c'est d'être juste, et de conformer son action à la pureté de l'amour rationnel qui enlève tout soupçon d'égoïsme et de partialité.
Le géomètre et le juste n'ont rien à désirer que de comprendre plus ou de faire plus, de la même façon qu'ils ont compris ou qu'ils ont agi, et ils vivent leur idéal.
Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi; le philosophe ouvre l'esprit de l'homme à la possession et à la conquête de l'idéal, en lui faisant voir que l'idéal est la réalité spirituelle, et que notre raison de vivre est de créer cet idéal.
La création n'est pas derrière nous, elle est devant nous; car l'idée est le principe de l'activité spirituelle...
C'est donc à une alternative que nous conduit l'étude de l'idéalisme contemporain
Ou nous nous détachons des idées qui sont en nous pour chercher dans les apparences extérieures de la matière la constitution stable et nécessaire de l'être, nous nous résignons à la destinée inflexible de notre individu, et nous nous consolons avec le rêve dun idéal que nous reléguons dans la sphère de l'imagination ou dans le mystère de l'au delà
ou bien nous rendons à nos idées mortes leur vie et leur fécondité, nous comprenons qu'elles se purifient et se développent grâce au labeur perpétuel de l'humanité dans le double progrès de la science et de la moralité, que chaque individu se transforme, à mesure qu'il participe davantage à ce double progrès. Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"
C'est aussi la science qui donne accès au "monde des idées" dont parle Rudolf Steiner en 1888, quand il était encore philosophe, avant les "débordements théosophiques" des années après 1900 :